Note de l’éditeur : Avec le retour au pouvoir des Libéraux en tant que gouvernement minoritaire à la suite de l’élection fédérale de 2025, nous avons modifié cet article pour refléter le contexte politique actuel et ce que les leaders de la technologie devront surveiller au cours des prochains mois. Il est à prévoir que certaines priorités législatives seront à nouveau au programme, toutefois, le statut minoritaire du gouvernement pourrait avoir une incidence sur les priorités qui seront mises de l’avant et leur rythme de progression.

Avec le retour au pouvoir des Libéraux à la suite de l’élection fédérale de 2025, les leaders de la technologie de partout au Canada surveillent attentivement la façon dont le gouvernement minoritaire va faire avancer le programme législatif inachevé. Plusieurs projets de loi, y compris ceux relatifs à l’intelligence artificielle, la cybersécurité, la protection de la vie privée et la technologie financière, sont restés en suspens lorsque le Parlement a été prorogé en janvier dernier.

À présent que les travaux ont repris au Parlement, les décisions du nouveau gouvernement pourraient changer de manière significative la façon dont les entreprises technologiques innovent et exercent leurs activités.

Modification de la réglementation en matière d’IA : Se préparer à LIAD 2.0

La Loi sur l’intelligence artificielle et les données (LIAD), introduite dans le cadre du projet de loi C-27 qui a été tabletté, visait à réglementer la façon dont les entreprises conçoivent, développent et déploient les systèmes d’IA. Cette dernière avait fait l’objet d’un examen sévère en raison de sa portée élargie et de sa structure. Par conséquent, le nouveau gouvernement du premier ministre Carney pourrait la modifier ou en faire une loi indépendante.

La LIAD proposait un cadre basé sur les risques. Les systèmes à incidence élevée, utilisés dans les domaines comme l’embauche, les soins de santé et la modération d’informations, étaient assortis d’obligations en matière de supervision humaine, d’évaluation des risques et de transparence. Les outils à usage général faisaient l’objet d’exigences en matière de documentation et d’audit. Les entreprises qui utilisent ou développent des outils d’IA devraient s’attendre à une plus grande responsabilisation, et à des exigences plus strictes en matière de rapports et de conformité. Pour vous aider à décoder la LIAD, consultez notre document d’introduction.

La LIAD constituait une des pièces du casse-tête dans la stratégie du gouvernement fédéral en matière d’intelligence artificielle. Ottawa avait également annoncé, en avril dernier, un ensemble de mesures totalisant 2,4 milliards de dollars pour protéger l’avantage du Canada en matière d’IA (consultez notre article précédent ici), dont 2 milliards $ destinés à la puissance de calcul pour l’IA et à l’élaboration d’une nouvelle Stratégie canadienne sur la capacité de calcul souveraine pour l’IA. Avec le retour d’un gouvernement Libéral, il reste à voir si les initiatives annoncées précédemment iront de l’avant telles que proposées, ou si le gouvernement adoptera une approche par phases plus ciblée.

Il est maintenant temps d’évaluer comment l’IA est utilisée dans vos opérations et à vous préparer pour la suite. Élaborer un cadre de gouvernance dès le début peut aider votre équipe à se préparer aux nouvelles règles et à diminuer les perturbations à long terme. Vous pouvez obtenir des renseignements précieux sur l’avenir de la législation canadienne en matière d’IA grâce à notre série sur l’IA, dont un webinaire récent avec Mark Schaan du Bureau du Conseil privé, sous-secrétaire du Cabinet, Intelligence artificielle, qui porte sur ce à quoi les entreprises doivent s’attendre et comment elles doivent se préparer dans un environnement juridique en pleine évolution à la suite du report de la LIAD, ainsi qu’un webinaire récent sur comment les services juridiques peuvent tirer parti de l’IA.

Protection de la vie privée et cybersécurité : la législation revient au premier plan

Avec le retour au pouvoir des Libéraux, la législation relative à la protection de la vie privée et à la cybersécurité devrait toujours figurer parmi les priorités, et ce, même si les prochaines étapes n’ont pas encore été décidées. Tel que résumé dans notre analyse des projets de loi relatifs à la protection de la vie privée et à la cybersécurité qui devraient être à nouveau en discussion à la suite de la reprise des travaux, plusieurs programmes majeurs vont probablement faire l’objet d’une refonte.

Une version modifiée du projet de loi C-27 pourrait soutenir la refonte du régime de protection de la vie privée dans le secteur privé canadien par l'entremise de la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs (LPVPC) et la création d'un nouveau tribunal en vertu de la Loi sur le Tribunal de la protection des renseignements personnels et des données (LTPRPD).  La LPVPC cherchait à obtenir des droits individuels accrus, de nouvelles normes de consentement, des règles pour les renseignements personnels des mineurs, et des pouvoirs accrus d’application pour le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada.

Le projet de loi C-26, quant à lui, qui avait introduit la Loi sur la protection des cybersystèmes essentiels et modifié d’autres lois, devait imposer aux exploitants de services et de systèmes essentiels, des obligations de rapport d’incidents de cybersécurité et de conformité avec les normes de cybersécurité. Bien qu’il fût près de l’étape de l’adoption, il est également mort au feuilleton en raison de la prorogation.

On s’attend également du prochain Parlement qu’il revoie la loi sur les préjudices en ligne. Le projet de loi C-63, qui ciblait le contenu préjudiciable en ligne, aurait imposé de nouvelles responsabilités aux fournisseurs de services numériques et introduit des pouvoirs d’application accrus par l’entremise d’une nouvelle Commission canadienne de la sécurité numérique. N’ayant pas été une des priorités durant la campagne électorale, le besoin d’aborder les préjudices en ligne est toutefois évident, et fera probablement partie des sujets sur lesquels le nouveau gouvernement se penchera.

Les entreprises du secteur des technologies, des communications, et d’autres secteurs basés sur les données, devraient surveiller la situation entourant cette législation, car les obligations pourraient s’appliquer davantage à la gouvernance des données et aux responsabilités liées aux plateformes numériques.

La technologie financière à la croisée des chemins : Le système bancaire ouvert est au ralenti, mais il n’a pas perdu son élan

La démarche du Canada en faveur du système bancaire ouvert a fait un grand bond vers l’avant en 2024 avec l’adoption de la première partie du cadre législatif. Cependant, la deuxième partie requise pour la mise en œuvre de ce système demeure en suspens. La suite dépend du parti qui formera le prochain gouvernement. On peut s’attendre à ce que le gouvernement dirigé par les Libéraux poursuive la démarche.

Le changement vers le financement axé sur le consommateur est inévitable. Les institutions financières et les entreprises de technologie financière devraient revoir leurs modèles de partage des données, se préparer à de nouvelles obligations réglementaires et penser à une stratégie qui leur permettrait de transformer la conformité en occasion.

Le programme de finance numérique évolue rapidement. Tandis que les centres mondiaux de la finance mettent en place la réglementation en matière de crypto et de chaîne de bloc, les décideurs canadiens n’ont pas encore établi de priorités. Cette incertitude représente à la fois un défi et une occasion pour les entreprises qui œuvrent à façonner le rôle du Canada dans l’avenir des actifs numériques.

Consultez notre article pour en savoir plus sur la réforme du secteur financier.

L’incitatif de la carotte et les taxes sont à prévoir

La taxe sur les services numériques du Canada (TSN), en vigueur depuis juin 2024, impose une taxe de 3 pour cent sur les revenus tirés de certains services numériques, notamment les marchés en ligne, les plateformes de médias sociaux et les publicités ciblées. La TSN est rétroactive au 1er janvier 2022, et les premiers paiements doivent être effectués avant le 30 juin 2025.

L’objectif de la TSN est de s’assurer que les fournisseurs de services numériques paient une part équitable de taxes au Canada. Cette dernière a toutefois contrarié les États-Unis, qui allèguent qu’elle a une incidence disproportionnée sur les entreprises américaines. Ceci a mené à des tensions commerciales et des discussions à propos de mesures de rétorsions potentielles. Les grandes entreprises exerçant certaines de leurs activités dans le secteur numérique devraient évaluer leur niveau d’exposition à la TSN. Préparez-vous à la TSN du Canada avec notre guide étape par étape.

Les entreprises technologiques qui ajustent leurs prix de transfert pour atténuer les tarifs américains risquent des vérifications en raison des déviations potentielles des marges de pleine concurrence, des conflits de valeur en douane (par ex., ajustements de prix rétroactifs) et de l’attribution des risques contractuels échus. L’administration fiscale peut contester les mesures de partage de coûts unilatérales ou les études d’étalonnage désuètes, pouvant ainsi engendrer une double taxation ou des pénalités. Il est donc nécessaire d’atténuer les risques. Pour ce faire, elles peuvent modifier leurs politiques, adapter leurs ententes interentreprises aux modalités de partage du coût des tarifs, conserver la documentation relative aux taxes et aux douanes, et favoriser les APP bilatéraux pour éviter les différends. En savoir plus sur les APP.

Les entreprises technologiques devraient également surveiller l’évolution des incitatifs fédéraux, y compris les crédits d’impôt à l’investissement dans les technologies propres remboursables, et les possibles améliorations au programme RS&DE, qui pourraient faire l’objet d’une augmentation des taux et dont le remboursement pourrait être amélioré en vue de stimuler la recherche et le développement et la commercialisation de la propriété intellectuelle au Canada.

Parmi les autres promesses électorales, on retrouve notamment les crédits pour l’adoption de projets d’IA admissibles et une plus grande attention accordée à l’innovation et à la souveraineté numérique. Pour ce faire, il faut toutefois s’attendre à un examen plus rigoureux de la conformité.

La prévoyance juridique est votre avantage concurrentiel

De grands changements sont à prévoir–et les entreprises qui agissent dès maintenant seront les mieux placées pour s’y adapter.

Nous pouvons vous aider à anticiper les changements à venir, à évaluer votre degré d’exposition au risque, et à élaborer des stratégies de conformité flexibles et novatrices. Lorsque le nouveau gouvernement se mettra au travail, les entreprises qui sont fin prêtes ne vont pas seulement répondre aux nouvelles exigences, elles vont établir les normes à suivre.

N’hésitez pas à communiquer avec les auteurs ou un membre de nos groupes Droit de l’intelligence artificielle, Cybersécurité et protection des données, Services financiers et technologie (FSxT), Droit fiscal ou Technologie.