Droit canadien des brevets : Faits saillants de 2021

29 minutes de lecture
02 mars 2022

L'année 2021 a été fort occupée pour les tribunaux fédéraux en plus d'être le théâtre d'un certain nombre de changements au chapitre du droit canadien des brevets. Le présent article résume les décisions judiciaires notables en la matière au Canada en 2021.

  1. Jugements sommaires en matière de contrefaçon de brevets
  2. La Cour d'appel fédérale se prononce sur la « préclusion fondée sur les notes apposées au dossier »
  3. La Cour d'appel fédérale confirme le rôle du concept inventif dans l'appel concernant le brevet VYVANSE®. 
  4. Rejet sommaire d'une action relative au statut des monopoles
  5. La Cour suprême du Canada accorde une autorisation de pourvoi en lien avec la plus importante indemnité pécuniaire à être accordée au Canada dans une affaire de contrefaçon de brevet
  6. La Cour d'appel fédérale rejette le deuxième appel d'Apotex visant le CEFACLOR®
  7. Un brevet visant la détection des opérations de culture de marijuana jugé non contrefait et non valide
  8. La Cour d'appel fédérale commente la portée excessive, le caractère suffisant et le droit au profit
  9. La Cour d'appel fédérale aborde plusieurs points de droit dans l'affaire Western Oilfield
  10. La Cour d'appel fédérale apporte des précisions sur les demandes d'accès à l'information
  11. Les frais sur les revendications excédentaires bientôt en vigueur au Canada

1. Jugements sommaires en matière de contrefaçon de brevets

Dans les affaires de contrefaçon de brevets par le passé, les plaideurs en matière de brevets avaient tendance à éviter les requêtes en jugement sommaire. En effet, on estimait qu'il était trop difficile de convaincre la Cour qu'il n'y avait pas de « véritable question litigieuse à trancher » dans le cadre de dossiers comportant des témoins experts concurrents et des enjeux de crédibilité des témoins. Tout autant de questions qu'il valait mieux laisser au juge du procès le soin d'évaluer dans une salle d'audience.

Plus récemment, les Règles des Cours fédérales ont été modifiées pour permettre la tenue de procès sommaires fondés sur un sous-ensemble de questions au sein d'un dossier (par opposition au processus en jugement sommaire généralement considéré plus ardu). Le dossier ViiV Healthcare Company c. Gilead Sciences Canada, Inc, 2021 CAF 122 constitue un excellent exemple de procès sommaire en contrefaçon de brevets. Dans cette affaire, le tribunal inférieur a jugé la requête en procès sommaire appropriée, car elle consistait uniquement à interpréter un même élément de la revendication (ainsi qu'en l'analyse confirmant l'absence de contrefaçon). En fait, l'affaire ViiV s'apparentait à une audience canadienne de type Markman.

La Cour d'appel a pour sa part rejeté les deux principaux arguments de l'appelant, à savoir qu'un procès sommaire n'était pas approprié en l'espèce, et que le tribunal inférieur avait commis une erreur dans ses conclusions sur l'interprétation et l'absence de contrefaçon. En ce qui concerne le caractère approprié du procès sommaire, la Cour d'appel a conclu qu'un juge peut tenir compte d'un certain nombre de facteurs avant de décider si une affaire est appropriée ou non pour un procès sommaire. En définitive, la Cour doit être convaincue que les conditions préalables prévues par les Règles des Cours fédérales pour un jugement sommaire ou un procès sommaire sont remplies et qu'elle est en mesure d'accorder un jugement sommaire, de manière équitable et juste, sur la base des preuves produites et du droit. Quant à la conclusion d'absence de contrefaçon, la Cour d'appel a examiné, mais rejeté toutes les diverses erreurs d'interprétation de la revendication alléguées par l'appelant.

De plus, comme nous l'avions rapporté ici (article en anglais seulement) dans l'affaire CanMar Foods Ltd c. TA Foods Ltd, 2021 CAF 7, la Cour fédérale d'appel a maintenu une décision sous-jacente dans une requête en jugement sommaire rejetant entièrement l'action en contrefaçon de brevet de CanMar. CanMar s'est avérée la première décision depuis plusieurs années dans le cadre de laquelle la Cour fédérale a rendu un jugement sommaire dans une affaire de brevet. La Cour d'appel a rejeté l'argument de l'appelant selon lequel il était prématuré d'accorder un jugement sommaire avant que l'interrogatoire préalable ait eu lieu. De plus, la Cour d'appel a confirmé les conclusions du tribunal inférieur sur l'interprétation des revendications et, par conséquent, en ce qui a trait à l'absence de contrefaçon, et ce, malgré qu'aucune preuve d'expert n'ait été présentée dans la requête en jugement sommaire. À cet égard, la Cour d'appel a conclu que l'interprétation d'un brevet est toujours une question de droit pour le tribunal et qu'il n'existe aucune autorité pour soutenir l'opinion selon laquelle une preuve d'expert est obligatoirement requise dans toutes les circonstances.

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2. La Cour d'appel fédérale se prononce sur la « préclusion fondée sur les notes apposées au dossier »

Comme susmentionné, dans l'affaire CanMar Foods Ltd c. TA Foods Ltd, 2021 CAF 7 la Cour d'appel a maintenu la décision sous-jacente dans une requête en jugement sommaire dans le cadre d'une action en matière de brevet.

C'était également la première fois que la Cour fédérale interprétait et appliquait l'article 53.1 de la Loi sur les brevets (dont on avait discuté dans un article précédent) qui porte sur l'admission en preuve de déclarations faites pendant la poursuite de la demande de brevet dans un procès en la matière, parfois appelée « préclusion fondée sur les notes apposées au dossier » (de l'anglais « File Wrapper Estoppel »). Dans cet appel, le juge de Montigny, au nom de la Cour d'appel, a reconnu que l'introduction de l'article 53.1 a entraîné un changement important dans l'approche canadienne sur cette question et une meilleure harmonisation du droit canadien avec la législation britannique et américaine. La Cour a confirmé qu'un dossier de poursuite de demande de brevet peut jouer un rôle dans l'interprétation des revendications dans la mesure où il peut servir à réfuter les observations du breveté. 

CanMar s'est opposée à l'utilisation de l'historique de poursuite de la demande à l'étranger dans une poursuite de demande de brevet correspondante aux fins d'interprétation de la revendication. Dans les circonstances de cette affaire, la Cour d'appel fédérale a conclu que le juge des requêtes aurait dû s'abstenir de prendre en considération l'historique de la poursuite de la demande à l'étranger correspondante. Toutefois, la question plus large de savoir si ce dernier peut être pris en considération en vertu de l'article 53.1 de la Loi sur les brevets a été reportée à un autre moment.

Dans l'affaire Bauer Hockey Ltd c. Sport Maska Inc (CCM Hockey), 2021 CAF 166, le juge Locke, au nom de la Cour d'appel, a ajouté dans une remarque incidente que l'article 53.1 n'abolit pas l'interdiction générale d'utiliser l'historique de la poursuite de demande de brevet aux fins de l'interprétation des revendications. L'article 53.1 se limite plutôt à l'utilisation de parties de l'historique de la poursuite de demande d'un brevet « pour réfuter une déclaration faite, dans le cadre de l'action ou de la procédure, par le titulaire du brevet relativement à l'interprétation des revendications se rapportant au brevet  » (dont nous avons parlé dans un article précédent [en anglais seulement]).

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3. La Cour d'appel fédérale confirme le rôle du concept inventif dans l'appel concernant le brevet VYVANSE®

La Cour d'appel fédérale a rejeté les appels interjetés par Apotex contre Takeda (Shire) concernant le médicament contre le TDAH VYVANSE® (2021 CAF 52, dont nous avons discuté dans un précédent article [en anglais seulement]). Dans cet appel, Apotex a soulevé des allégations d'antériorité et d'évidence. En ce qui concerne la question de l'antériorité, Apotex a soutenu que la divulgation d'une classe de composés anticipait nécessairement le composé spécifique lisdexamphétamine (« LDX ») revendiqué dans le brevet 646 de Takeda. Quant à la question de l'évidence, Apotex a affirmé que « l'aboutissement » de l'analyse était le composé LDX revendiqué, et que la facilité alléguée avec laquelle LDX pouvait être fabriqué rendait les revendications évidentes, même si les propriétés avantageuses de LDX ne l'étaient pas au vu de l'art antérieur.

La CAF a rejeté les arguments d'Apotex. En ce qui concerne l'anticipation, les arrêts General Tire et Sanofi ont été invoqués pour rejeter la proposition selon laquelle une classe de composés dans l'art antérieur contrefait nécessairement, et donc anticipe, une revendication ultérieure portant sur un seul composé. Quant au principe d'évidence, la CAF a affirmé la pertinence du concept inventif pour l'aboutissement de l'analyse, en distinguant l'étendue de la protection offerte par une revendication (élucidée par l'interprétation de la revendication) du fondement de son inventivité (le concept inventif).

Apotex a demandé et s'est vu refuser l'autorisation de faire appel devant la Cour suprême sur la question de l'évidence. 

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4. Rejet sommaire d'une action relative au statut des monopoles

Dans l'affaire Apotex v Eli Lilly, 2021 ONSC 1588 (en anglais seulement), le juge Schabas de la Cour supérieure de l'Ontario a rejeté dans son intégralité une action intentée par Apotex pour obtenir des dommages-intérêts triples, une comptabilisation des profits d'Eli Lilly et des dommages-intérêts en common law dans leur totalité. Il s'agit de la première décision finale rendue dans le cadre d'une série d'actions intentées par Apotex pour des réclamations similaires devant les cours supérieures de l'Ontario et du Québec (dont nous avons discuté dans un précédent article [en anglais seulement]).

La demande d'Apotex visait à obtenir réparation pour le préjudice allégué associé à son entrée tardive sur le marché de l'olanzapine, causée par le sursis du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) et de l'ordonnance d'interdiction connexe émise en vertu de ce dernier.

Le juge Schabas a accordé un jugement sommaire pour trois motifs. Premièrement, toutes les mesures prises par Eli Lilly en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) étaient autorisées par la loi et ne pouvaient faire l'objet d'une action, tout préjudice causé par Apotex étant dû à l'application du régime législatif. Deuxièmement, le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) et sa disposition sur les dommages-intérêts prévue à l'article 8 constituent un code complet en ce qui concerne les recours découlant des retards dans l'entrée des médicaments génériques sur le marché causés par le régime législatif. Troisièmement, chacune des causes d'action individuelles invoquées par Apotex : le statut des monopoles, la Loi sur les marques de commerce et le délit civil de complot n'étaient pas fondées et n'ont pas été établies par la preuve.

Une action intentée en vertu du statut des monopoles et de la Loi sur les marques de commerce par Apotex contre Pfizer a été rejetée sommairement plus tard en 2021 pour des motifs similaires. (2021 ONSC 6345) (en anglais seulement).

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5. La Cour suprême du Canada accorde une autorisation de pourvoi en lien avec la plus importante indemnité pécuniaire à être accordée au Canada dans une affaire de contrefaçon de brevet

Dans l'affaire Nova Chemicals Corporation c. Dow Chemical Company, 2020 CAF 141, la Cour d'appel fédérale a confirmé un jugement attribuant à Dow Chemical une indemnité de 644 millions de dollars. Il s'agit, dans les annales, de la plus forte indemnité pécuniaire consentie par un tribunal canadien pour contrefaçon de brevet. Comme nous le mentionnions dans un article précédent (en anglais seulement), la Cour d'appel a affirmé que la restitution des profits ne sert pas à fournir une indemnisation pour les dommages causés, mais plutôt à retirer au malfaiteur les profits qu'il a réalisés comme conséquence de la contrefaçon. Dans le cadre d'une analyse de restitution des profits, seuls sont restitués les profits perdus en raison de la contrefaçon du brevet. Les contrefaisants ne sont donc pas en position de faire valoir des arguments sur ce qui « aurait pu » ou « aurait dû » se produire, ou sur ce qui « se serait » produit. 

Nova Chemicals a demandé et s'est vu accorder l'autorisation de se pourvoir devant la Cour suprême du Canada le 20 mai 2021. Nova Chemicals avance entre autres que les tribunaux de première instance ont commis une erreur en permettant à Dow Chemical de conserver les profits qui n'étaient pas attribuables à la contrefaçon. Plus précisément, Nova Chemicals fait valoir qu'afin de s'assurer qu'un breveté est indemnisé strictement pour les profits attribuables à l'invention, les tribunaux devraient chercher à déterminer ce qu'un contrefaisant aurait fait s'il n'avait pas commis de contrefaçon. L'audition de l'appel est prévue pour avril 2022.

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6. La Cour d'appel fédérale rejette le deuxième appel d'Apotex visant le CEFACLOR®

La Cour d'appel fédérale a confirmé le montant des intérêts composés accordés au titre des dommages-intérêts pour la valeur temporelle de l'argent perdu en lien avec le médicament CEFACLOR® (2021 CAF 149 [en anglais], dont nous avons traité dans un article précédent [en anglais]). Il s'agissait du deuxième appel interjeté par Apotex relativement aux dommages-intérêts lui ayant été imputés après que la Cour fédérale ait conclu à la contrefaçon en 2009, sachant que les dommages-intérêts avaient été quantifiés pour la première fois en 2014, dans le cadre d'un renvoi. Il avait alors été établi que les dommages-intérêts dus par Apotex incluaient des montants qui serviraient à dédommager Eli Lilly pour la valeur temporelle de l'argent perdu au cours des plus de 17 années qu'il a fallu pour que des dommages-intérêts soient accordés à Eli Lilly.

La CAF a rejeté les arguments d'Apotex selon lesquels la Cour fédérale avait erré quant à son évaluation du lien de causalité et des mesures d'atténuation des dommages. La CAF a conclu que Eli Lilly avait bel et bien démontré un lien de causalité, et que la preuve présentée permettait d'établir l'existence de la perte subie compte tenu de la valeur temporelle de l'argent.

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7. Un brevet visant la détection des opérations de culture de marijuana jugé non contrefait et non valide

Comme nous en avions discuté en détail dans un article précédent (en anglais), dans l'affaire dTechs EPM Ltd c. British Columbia Hydro and Power Authority et Awesense Wireless Inc, 2021 CF 190, la Cour a invalidé un brevet concernant, de façon générale, la surveillance de l'utilisation des services publics d'électricité afin de détecter les potentiels cas de consommation atypique ou de vol, comme le vol d'électricité lié à la culture de marijuana en intérieur.  

Plus précisément, c'est la prise en compte de nombreuses divulgations d'antériorité qui ont mené la Cour à conclure que les revendications invoquées étaient antériorisées et évidentes. L'une des causes notables permettant d'établir l'invalidité est la divulgation antérieure par l'inventeur. Dans le cas présent, il s'agissait d'un ancien policier qui avait divulgué l'invention revendiquée au Service de Police de Calgary ainsi qu'au service public d'électricité ENMAX. La Cour a rejeté l'argument du breveté selon lequel la confidentialité était inhérente en raison du prétendu contexte de « plan opérationnel de la police » dans lequel la divulgation avait eu lieu. La Cour a jugé que par divulgation au « public », on entend une divulgation faite à quiconque peut « en droit et en équité examiner [le système en cause] sans contrainte ». La Cour ayant conclu que l'inventeur n'a exercé aucun contrôle sur les personnes auxquelles le document avait été distribué ni sur l'usage qu'elles en ont fait, les divulgations faites à la police de Calgary et à ENMAX ont été déclarées comme constituant une antériorité.

En outre, la Cour a conclu que les défendeurs n'avaient pas contrefait le brevet en cause, que ce soit de façon directe ou indirecte (ni par incitation ni au sens de la doctrine juridique du projet commun). Quant à la contrefaçon indirecte, le breveté alléguait que parce qu'une défenderesse avait fourni du matériel et des logiciels à une autre défenderesse, celle-là était responsable de la contrefaçon. La Cour a rejeté cet argument en déclarant que la fourniture de matériel et de logiciels ne peut en soi contrefaire des revendications de méthode. Le seul fait de fournir de l'équipement pouvant être utilisé pour contrefaire un brevet ne permet pas que soit établie l'existence d'une contrefaçon par incitation; pour que l'incitation soit même une possibilité, il doit y avoir une certaine forme de « contrôle sur la façon » dont ledit équipement est utilisé.

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8. La Cour d'appel fédérale commente la portée excessive, le caractère suffisant et le droit au profit

Dans Seedlings v Pfizer, 2021 FCA 154 (en anglais), la Cour d'appel fédérale a maintenu la décision du juge Grammond  invalidant les revendications du brevet de Seedlings qui constituaient le fondement d'allégations de contrefaçon portées contre Pfizer. Quoiqu'au final la décision de rejeter l'affaire ait été maintenue, la CAF a souligné que le jugement de première instance comprenait plusieurs erreurs quant à la portée excessive, au caractère suffisant et aux réparations.

Le juge Locke, au nom de la CAF, a formulé son désaccord à l'égard d'une grande partie du raisonnement présenté par la Cour fédérale dans sa discussion sur la portée excessive. Il a notamment précisé qu'il est erroné de limiter la portée des revendications aux réalisations décrites dans la divulgation et d'estimer que les revendications qui vont au-delà de cette limite sont de portée excessive. Il a en outre déclaré que le simple fait que certains éléments ou la disposition de ceux-ci soient originaux ne signifie pas qu'ils doivent être revendiqués, et le fait de ne pas les revendiquer ne rend pas non plus la portée des revendications excessive.

En définitive, la conclusion du juge Grammond selon laquelle certaines revendications étaient de portée excessive a été confirmée au motif que le brevet en cause ne décrit pas comment réaliser l'invention sans les éléments omis, lesquels sont présents dans toutes les réalisations, mais pas dans les revendications, et qu'une personne versée dans l'art ne saurait pas comment réaliser l'invention. La CAF a reconnu que les motifs employés pour étayer la conclusion de portée excessive en l'espèce « sembleraient conduire plus facilement à une conclusion d'insuffisance qu'à une conclusion de portée excessive » [traduction]. Elle a donc jugé ces revendications insuffisantes. La décision de première instance avait temporairement établi un précédent unique selon lequel une revendication peut être déclarée invalide pour la seule raison que sa portée est excessive. Le lien entre un tel précédent et l'arrêt Seedlings a donc été défait.

Une autre anomalie trouvée dans le jugement de première instance était l'approbation du principe selon lequel si le breveté n'exploite pas l'invention, mais accorde plutôt une licence à d'autres pour qu'ils l'exploitent, il ne devrait pas avoir droit à une indemnisation allant au-delà d'une redevance raisonnable. La CAF a rejeté un principe aussi large et a souligné que même si la décision d'un breveté d'accorder une licence pour l'exploitation de son invention peut être un facteur à prendre en considération dans l'analyse, elle ne prive pas nécessairement le breveté du droit de choisir la restitution des profits.

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9. La Cour d'appel fédérale aborde plusieurs points de droit dans l'affaire Western Oilfield

Dans l'affaire Western Oilfield Equipment Rentals Ltd c. M-I LLC, 2021 CFA 24, la décision du tribunal de première instance a été largement confirmée sur le plan des faits. Néanmoins, la Cour d'appel fédérale a fait valoir un certain nombre de points, dont le moyen de défense fondé sur l'arrêt Gillette, l'évidence, la meilleure manière (de l'anglais « best mode ») et l'ajout d'un nouvel élément.

Poussé par l'hypothèse de l'intimé qui suggérait un malentendu commun sur la nature du moyen de défense fondé sur l'arrêt Gillette, le juge Locke a commenté la question. Bien que le moyen de défense fondé sur l'arrêt Gillette puisse permette d'accélérer le processus d'interprétation des revendications et, ensuite, le processus visant à établir si ces revendications sont valides ou si elles ont été contrefaites, l'application du moyen de défense fondé sur l'arrêt Gillette est inutile, en pratique, lorsque la cour a statué sur les questions d'interprétation, de validité et de contrefaçon. La Cour d'appel a également expliqué que le succès d'un moyen de défense fondé sur l'arrêt Gillette ne dépend pas d'une conclusion d'antériorité ou d'évidence et, inversement, un moyen de défense fondé sur l'arrêt Gillette n'échoue pas forcément lorsque l'antériorité n'a pas été établie.

Sur la question de l'évidence, le juge Locke ne pouvait pas dire s'il en serait arrivé à la même conclusion sur l'évidence s'il en avait été chargé en première instance, mais il s'en est remis à la Cour fédérale sur la base de la norme de contrôle. La Cour d'appel a toutefois souligné que le critère en quatre volets de Sanofi, bien qu'utile, n'est pas obligatoire dans tous les cas.

En ce qui concerne la suffisance, la Cour d'appel a reconnu que, malgré le libellé de l'alinéa 27(3)c), il existe un doute considérable quant à savoir si l'exigence de la meilleure manière est limitée aux machines.

Sur la question du paragraphe 38.2, qui empêche les modifications de revendications en vue « [d']ajouter des éléments qui ne peuvent raisonnablement s'inférer des dessins ou du mémoire descriptif qui sont compris dans la demande à sa date de dépôt », le juge Locke a affirmé que le critère est celui de la déduction raisonnable de la demande originale, et non de sa divulgation claire et sans ambiguïté.

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10. La Cour d'appel fédérale apporte des précisions sur les demandes d'accès à l'information

Sur demande et en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, Santé Canada communique régulièrement des documents relatifs aux produits pharmaceutiques. Toutefois, les documents à l'appui des demandes réglementaires contiennent souvent des renseignements sensibles et confidentiels résultant de travaux approfondis de recherche et développement, et cette information est protégée contre la divulgation publique aux termes de l'article 20 de la Loi.

Dans l'affaire Canada (Health) v Elanco, 2021 FCA 191, la Cour d'appel fédérale a confirmé les types de renseignements qui doivent être divulgués et ceux qui sont exemptés de la divulgation. En outre, la Cour a précisé que les procédures engagées en vertu de l'article 44 de la Loi sur l'accès à l'information ne sont pas soumises à la norme de contrôle Agraira. La Cour a expliqué que l'adoption du paragraphe 44.1 de la Loi fait de l'instance sous-jacente une nouvelle procédure, plutôt qu'un contrôle judiciaire, et que ladite instance sous-jacente est donc soumise à la norme Housen.

Les documents en cause étaient les soumissions d'Elanco à Santé Canada pour l'approbation de son produit médical vétérinaire Fortekor Flavour Tabs. Elanco, division d'Eli Lilly, s'est opposée à la décision de Santé Canada de divulguer plusieurs parties du dossier. Le tribunal de première instance a jugé que ces parties du dossier étaient exemptes de divulgation et a déclaré que la décision de Santé Canada de divulguer les dossiers est invalide. La Cour d'appel a contesté la formulation large du jugement, qui couvrirait tous les dossiers et non seulement la partie exempte de divulgation aux termes de l'article 20 de la Loi, et l'affaire a été renvoyée pour un nouvel examen.

En particulier, la Cour d'appel fédérale n'a pas trouvé d'erreur susceptible d'examen judiciaire dans les conclusions du tribunal de première instance en ce qui concerne les exemptions prévues aux alinéas 20(1)a), b) et c) de la Loi, notamment les secrets commerciaux, certains renseignements confidentiels et les renseignements dont la divulgation risquerait d'entraîner des pertes financières. Toutefois, la Cour fédérale a commis une erreur manifeste et dominante dans son application de l'alinéa 20(1)d), qui traite de la divulgation de renseignements dont on pourrait raisonnablement s'attendre à ce qu'ils nuisent à des négociations contractuelles ou autres. La Cour d'appel a expliqué que la preuve par affidavit d'Elanco n'a pas réussi à établir l'exemption parce qu'elle ne faisait pas référence à des négociations contractuelles réelles ou à la façon dont la divulgation de l'information pourrait nuire aux négociations contractuelles ou autres d'Elanco.

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11. Les frais sur les revendications excédentaires bientôt en vigueur au Canada

Jusqu'à présent, les demandeurs de brevets au Canada peuvent déposer un nombre illimité de revendications sans avoir à payer de taxes applicables aux revendications excédentaires. Toutefois, comme nous l'avons déjà signalé dans cet article, les modifications proposées aux Règles sur les brevets auront pour effet d'obliger les demandeurs de brevets à payer des taxes sur les revendications excédentaires (pour les entités régulières : 100 $ pour chaque revendication excédentaire au-delà de 20) au moment de la demande d'examen ou du paiement final des frais (pour toute revendication supplémentaire pour laquelle la taxe n'a pas été payée auparavant). Les demandeurs peuvent éviter les nouvelles taxes en demandant un examen avant l'entrée en vigueur des Règles sur les brevets modifiées. Au moment de la rédaction de cet article, la date d'entrée en vigueur n'est pas encore connue, mais on s'attend à ce que ce soit dans la première moitié de 2022.

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